Alors que des progrès considérables ont été accomplis ces dernières années sur les mesures pour décarboner les bâtiments, trop souvent des décisions sont prises basées sur des critères qui ne tiennent pas en compte la pérennité du bâtiment et sa compatibilité avec l’évaluation énergétique future. Évidemment, personne ne peut prévoir le futur, mais regarder certaines décisions prises dans le passé par les ingénieurs et architectes peuvent nous aider à identifier des approches qui ont permis à certains bâtiments de mieux s’adapter au passage du temps.
Prenons New York par exemple : plusieurs des bâtiments d’aujourd’hui ont été construits à la fin des années 1800, début 1900. À cette époque, l’infrastructure électrique de la ville était peu développée. En contrepartie, l’huile et le charbon étaient disponibles. Ce n’est pas surprenant que les architectes et ingénieurs de l’époque aient fait le choix d’utiliser des énergies fossiles afin de générer de la vapeur pour le chauffage des bâtiments. Ne requérant pas de pompe électrique pour être distribuée, la vapeur était sans aucun doute le choix logique à faire à ce moment. De plus, pour transporter la vapeur, plusieurs bâtiments furent munis de réseau à un tuyau : c’est-à-dire que la vapeur et le condensat co-existent dans un même tuyau, permettant d’économiser l’installation d’un tuyau dédié au condensat. Ce fut certainement une bonne décision en matière de coûts, mais également de matériaux neufs nécessaires pour la construction.
Évidemment, ce concept innovant apporta son lot de défis. Que ce soit au niveau du confort, du contrôle et de l’efficacité, ces bâtiments résistent mal à l’effet du temps. On estime aujourd’hui que 25% des bâtiments multirésidentiels à NY sont équipés de réseaux à 1 tuyau.
Lorsque l’on regarde ce parc de bâtiment sous le prisme de la décarbonation, on réalise que les décisions prises il y a plus d’un siècle augmentent aujourd’hui le risque, le coût et l’impact environnemental des travaux. Les interventions sont d’autant plus complexes puisque ces bâtiments sont aujourd’hui habités. Dans certains cas, la tâche est si ardue, que les propriétaires préfèrent ne pas intervenir.
Nous pouvons donc tirer quelques leçons. Premièrement, un bâtiment durable est un bâtiment qui est muni d’un réseau de distribution énergétique. Même si cette distribution a été conçue pour des charges fixes de chauffage ou climatisation, en utilisant des thermopompes, il est possible de convertir ces réseaux en vecteurs énergétiques permettant de réutiliser les excès thermiques au lieu de les rejeter. La deuxième leçon, c’est que les bâtiments ayant accès à plus d’une source d’énergie (électricité et gaz) permettent d’électrifier tout en assurant une résilience et limitant l’impact en amont, sur la production et distribution électrique.
Ces leçons, nous les avons notamment apprises en décarbonant un bâtiment multirésidentiel au International Tailoring Company Building, construit à New York dans les années 1920 et converti en bâtiment résidentiel dans les années 1980. Ce projet, qui a permis une réduction de GES de 80 % a requis des interventions majeures dans des aires habitées.
En contrepartie, notre projet au Stade olympique de Montréal, complété en 2018, est un exemple d’une installation qui a bien résisté au temps. Parce que le Stade avait été conçu pour les Jeux olympiques d’été de 1976, les ingénieurs avaient conçu un réseau de distribution d’eau froide. Ecosystem a été en mesure de récupérer ce même réseau pour assurer le chauffage à l’eau avec des thermopompes. Le réseau de vapeur a été converti à l’eau chaude, et combinée à des chaudières au gaz et une chaudière électrique, le projet a permis une réduction de 83 % tout en limitant les déchets et les matériaux intrant pour ce projet de rénovation majeur. Malgré les opinions partagées, le stade continue à être un exemple d’intégration d’architecture et de systèmes de production/distribution énergétique lui permettant de résister à l’épreuve du temps.