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12 juin 2019

Mettre la performance au cœur du processus d’approvisionnement

[Tribune d’André Rochette publiée sur LinkedIn le 11 juin 2019]

Si l’État québécois veut propulser l’économie verte et demeurer exemplaire dans ses efforts pour réaliser la transition énergétique, il doit mettre la performance au cœur de son processus d’approvisionnement immobilier.

Au Québec, les institutions, les bâtiments commerciaux et les industries (ICI) sont responsables de 45 % de la consommation énergétique[1].

Les investissements dans les ICI n’ont jamais été aussi importants que de nos jours[2]. Malheureusement, la performance, qu’elle soit financière, environnementale ou opérationnelle, n’est pas au cœur de ces investissements.

Comment renverser la tendance, alors que la nécessité d’agir et d’obtenir des résultats fait consensus ? En exigeant que chaque projet d’investissement, d’efficacité énergétique ou de modernisation livre de la performance et que cette dernière soit démontrable.

Comment l’exiger ? En adoptant des modes d’approvisionnement basés sur la performance et en faisant de cette dernière un critère d’adjudication des contrats.

Généraliser les modèles d’appels d’offres axés sur la performance

Le Québec a fait preuve d’audace en encourageant un modèle d’appel d’offres et un mode d’adjudication axés sur la performance énergétique livrée par les projets de modernisation[3]. Les actifs électromécaniques de milliers de bâtiments publics ont été modernisés (performance opérationnelle), ce qui a réduit leurs émissions de GES (performance environnementale), leur consommation d’énergie et la facture afférente (performance financière).

Les faits parlent : axer les appels d’offres sur la performance est un des moyens de concrétiser la transition énergétique. Dès lors, pourquoi ne pas promouvoir ce modèle qui a fait ses preuves et généraliser son utilisation dans les secteurs industriel et commercial, mais aussi au niveau de la gestion du parc immobilier de l’État ?

Augmenter les attentes

Les limites de l’approche traditionnelle sont connues :

  • Le travail en silo fragmente les responsabilités, l’arrimage entre les différentes étapes du projet est altéré, aucune des parties n’est imputable de l’ensemble du projet, le client est laissé à lui-même pour gérer les défaillances une fois le projet terminé.
  • Au plus bas coût sont associés des extras. De plus, le mode de rétribution selon un pourcentage du coût des travaux crée un désalignement entre les intérêts des différents prestataires et ceux du client.
  • Le mauvais arrimage entre les étapes influence négativement les échéanciers.

Le constat est éloquent. Non seulement les projets réalisés à la suite d’appels d’offres à performances ne connaissent pas ces limites, mais ils permettent l’alignement des intérêts : atteindre le plus haut niveau de performance est à la fois l’objectif du client et du prestataire. Dès lors, la collaboration, l’innovation et le travail intégré sont favorisés. Tant dans leur forme contractuelle que dans leur mode de réalisation, ces projets permettent d’atteindre plus, parce que les clients peuvent demander plus et que le prestataire est imputable.

« Design professionals should be paid for what they save. Not what they spend. » Amory Lovins, Rocky Mountain Institute

Économie verte, productivité énergétique et leadership de l’État

Pour favoriser l’économie verte, la croissance et l’innovation, le tout au bénéfice de la transition énergétique, il apparait essentiel que la performance soit mise au cœur des processus d’approvisionnement. En résulteraient une réduction de la consommation d’énergie et une tendance marquée vers la décarbonisation.

Ce faisant, les modèles d’affaires seraient amenés à évoluer et à, eux aussi, intégrer la performance. L’impact sur la productivité énergétique de la province, soit la richesse générée avec un Gigajoule d’énergie, serait significatif.

Devant les enjeux climatiques et énergétiques mondiaux, il importe de développer et de partager les connaissances autour de l’approvisionnement axé sur la performance et ce, autant dans les sphères privées que publiques.

Le contexte, les outils et les fonds[4] sont au rendez-vous. La volonté politique, celle de faire preuve de pragmatisme, l’est aussi. L’État québécois ne devrait-il donc pas faire de la performance une priorité et se positionner comme modèle à suivre ?

[1] Chiffres tirés de Whitmore, J. et P.-O. Pineau, 2018. État de l’énergie au Québec 2019, Chaire de gestion du secteur de l’énergie, HEC Montréal, préparé pour Transition énergétique Québec, Montréal.

[2] Dans le Plan économique du Québec de mars 2018, il est indiqué que le programme de rabais d’électricité d’Hydro-Québec applicable aux consommateurs facturés au tarif L a favorisé des investissements de plus de 1,7 G$ dans le secteur industriel. Par ailleurs, dans ses Perspectives sur le marché de l’immobilier 2019, CBRE estime que 6,2 G$ devraient être investis dans les secteurs commercial et industriel montréalais.

[3] En 1999, le Québec inclut les articles 27 à 29 dans le Règlement sur les contrats de travaux de construction des organismes publics.

[4] Dans son rapport de novembre 2018, le Conseil de gestion du Fonds vert indique la disponibilité d’un solde de 1,6 G$. Dans Le Plan québécois des infrastructures (PQI) 2017-2027, le Conseil du trésor mentionne que 40,5 G$ sont disponibles pour le maintien de l’offre de services (en excluant les transports, les ressources informationnelles et les autres secteurs).

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