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29 septembre 2016

Jean-Philippe Drouin-Bouffard : l’ingénierie créative

L’Association of Energy Engineers vient de le nommer « Jeune ingénieur en énergie de l’année — Volet international ». L’occasion est donc bonne de s’entretenir avec Jean-Philippe Drouin-Bouffard d’Ecosystem, afin d’en savoir un peu plus sur son parcours déjà impressionnant. Première entrevue d’une série de deux.

Ecosystem – Jean-Philippe, qu’est-ce qui t’a amené à devenir celui dont on salue aujourd’hui la capacité d’innovation ?

Jean-Philippe – Quand j’étudiais en génie mécanique, j’ai perçu que l’efficacité énergétique était un domaine d’avenir. Et j’y croyais, ça venait me chercher. Je voyais que ça pouvait avoir une portée plus grande que, par exemple, travailler en aéronautique sur des avions privés (ce qu’ont choisi d’ailleurs plusieurs de mes amis inscrits en génie). J’ai eu mon diplôme, je me suis joint à Ecosystem, et là, j’ai tout de suite su que j’étais à la bonne place, au bon moment. Ce qui m’a frappé chez Ecosystem, c’est sa culture, ses valeurs, la place accordée à l’innovation, et surtout, l’engagement à livrer les résultats.

Comment as-tu développé des capacités d’innovation sur le plan technique ?

Jean-Philippe – Pour l’innovation chez Ecosystem, la figure de proue, c’est Richard Tremblay, le cofondateur de l’entreprise. Il prend les nouveaux avec lui et les emmène visiter des salles mécaniques. Il les instruit sur l’énergie comme aucun livre ne pourrait le faire. Mais ce qui est encore plus frappant, c’est de le voir, dans une salle mécanique, toucher aux équipements, évaluer avec ses mains l’intensité de la chaleur d’un tuyau, coller l’oreille sur les conduits de ventilation, juger de la vitesse de l’air grâce au son qu’elle produit… et ressortir du bâtiment en hochant la tête avec un sourire rusé… et une vision d’un projet potentiel, qu’il résume en quelques mots, quelques chiffres. Nous sommes abasourdis lorsque, après des semaines, voire des mois de calculs, nous constatons qu’il avait visé dans le mile, du premier coup. Pour un jeune diplômé, c’est très impressionnant.

Ton maître à penser serait-il un sorcier ?

Jean-Philippe – Non ! (Rires) Avant d’arriver dans une salle mécanique, nous avons quand même examiné les factures d’énergie et amorcé des hypothèses. Mais pour les valider, il faut réussir à visualiser où s’en va l’énergie, où elle est consommée. Sauf que l’énergie ne se voit pas. Voilà pourquoi Richard fait confiance à son intuition et à tous ses sens, en particulier le toucher et l’ouïe.

D’autres ingénieurs vont avoir tendance à s’appuyer trop rapidement sur des tonnes de données et de calculs. Et se perdre. Richard, lui, nous a montré d’abord à aller voir ce qui se cache « derrière le rideau », à comprendre le fonctionnement global d’un bâtiment, et son interaction avec les autres bâtiments dans le cas d’un campus par exemple.

Et c’est seulement une fois que nous avons une vision claire du profil énergétique des installations que nous pouvons ensuite valider nos hypothèses à l’aide des calculs et identifier les bonnes mesures d’efficacité énergétique.

Donc, après la synthèse, vient le temps de la créativité. Mais c’est quoi, la créativité, en mécanique du bâtiment ?

Jean-Philippe – C’est de trouver des solutions, parfois inusitées aux yeux du marché ou de nos clients, pour atteindre les objectifs énergétiques. Mais encore faut-il pouvoir bénéficier du temps et de l’environnement permettant d’exercer sa créativité. Et ce qui est génial, c’est que chez Ecosystem, toutes les conditions sont réunies pour développer cette créativité.

Ça donne quoi, par exemple ?

Jean-Philippe – Les meilleurs exemples que j’ai, c’est la conversion vapeur-eau chaude d’un réseau de chauffage et la récupération de chaleur.

Quand je suis arrivé chez Ecosystem, la conversion vapeur-eau chaude était déjà une mesure phare, notamment suite à son implantation réussie à l’Hôpital de Rimouski. C’était une première, je crois. Ensuite, nous l’avons implantée un peu partout au Québec, puis en Ontario et à New York. À ce jour, c’est encore une mesure très innovatrice, car peu ont réussi à la maîtriser techniquement aussi bien que nous.

Et la récupération de chaleur ?

Jean-Philippe – Combinée à une conversion vapeur-eau chaude, la récupération de chaleur peut faire passer de 60 à plus de 400 % l’efficacité d’un système de chauffage. C’est donc une mesure très performante, qui peut faire toute la différence dans un projet. Elle sollicite notre créativité, car elle prend diverses formes selon le bâtiment où on l’implante (récupération interne, géothermie, aérothermie, recours à une thermopompe, etc.).

Qu’est-ce qui t’a amené à continuer de faire évoluer tes connaissances et ta créativité chez Ecosystem ?

Jean-Philippe – Je me suis porté volontaire pour m’établir New York et aider à développer notre marché là-bas. Ça m’a amené à rencontrer énormément de monde : directeurs des services techniques, responsables de départements de l’énergie et du développement durable, chefs des opérations, etc. Je me suis rendu compte que très souvent, ces gestionnaires ont des besoins diversifiés et complexes parce que rattachés autant au bâtiment qu’à ses occupants. On a donc affaire à un spectre de besoins différents, mais reliés entre eux : consommation d’énergie, coûts d’opération et de maintenance, émissions de GES, maintien des actifs, expérience des occupants (confort, résilience des systèmes de chauffage et de climatisation), adaptation des systèmes énergétiques à un agrandissement, etc. J’ai compris que mes efforts devaient être consacrés à bien comprendre ces besoins, à aider mon client à les identifier, mais aussi à fournir une piste, une direction à prendre pour les régler de la meilleure façon. Autrement dit, maintenant que je maîtrisais le volet technique de mon métier, j’apprenais l’importance du contact humain, de bâtir un lien de confiance avec les clients. Pour assurer le succès d’un projet, il faut être capable de conjuguer une compréhension holistique du bâtiment avec une compréhension des besoins de ceux qui l’occupent et l’exploitent, et de savoir communiquer efficacement notre vision.

Aux États-Unis, une des solutions d’efficacité énergétique qui est préconisée, c’est la cogénération. Générer de l’électricité et de la chaleur avec le gaz naturel. Comment as-tu réussi à maîtriser la cogénération ? À être créatif avec cette mesure ?

Jean-Philippe – En plongeant dans la marmite. Quand je me suis installé à New York, nous commencions ce qui allait devenir le premier projet implanté par Ecosystem aux États-Unis. C’était à l’Hôpital Mount Sinaï Beth Israël Hospital, à Brooklyn. Et c’est là que l’histoire devient intéressante. Pour générer des économies dans cet hôpital, il fallait installer un système de cogénération. Sauf que son réseau était incompatible avec cette mesure, car il fonctionnait à la vapeur ! Il fallait le convertir à l’eau. Et qui pouvait réussir ça mieux que quiconque ? Ecosystem, évidemment. Nous avions déjà converti des dizaines de réseaux de vapeur dans les hôpitaux du Québec. En mariant cette solution à la cogénération, nous étions en mesure de promettre au Mount Sinaï Beth Israël Hospital des économies énergétiques de plus de 400 000 $ par année.

Et ça a fonctionné : le projet génère maintenant 600 000 $ d’économies annuelles. Il a été nommé projet de l’année par l’Association of Energy Engineers en 2014 et récompensé par le U.S. Green Building Council en 2015. Comment expliques-tu cela ?

Jean-Philippe – Je ne saurais l’expliquer, mais les projets d’Ecosystem semblent attirer beaucoup l’attention et se démarquer. Je crois que ce qui a impressionné dans ce cas-ci, c’est que nous ayons tenté une conversion vapeur-eau chaude dans un hôpital en activité 24 heures sur 24, avec des patients ayant besoin de soins sans interruption. Ce n’était certainement pas la solution la plus facile. Une autre firme d’ingénierie traditionnelle aurait pris un chemin moins risqué. Mais c’était en fin de compte la solution avec la plus grande valeur économique et qui répondait à tous les besoins du client. Ça a été le premier projet d’Ecosystem à New York, et ça nous a mis sur la carte. La porte s’est ouverte pour des projets dans d’autres hôpitaux, des écoles, des universités, des collèges, etc.

Sur quoi travailles-tu en ce moment ?

Jean-Philippe – En collaboration avec l’équipe de New York — qui est en pleine expansion, je continue de développer différents types de projets énergétiques. Ces temps-ci, je suis entre autres très motivé par la possibilité d’aider les universités partout aux États-Unis à développer une vision stratégique pour relever les défis énergétiques de leurs campus. Que ce soit à New York, au Massachusetts, en Ohio ou en Californie, le besoin est réel et le potentiel est incroyable. Je le vois : des économies spectaculaires peuvent être réalisées, avec à la clé un impact positif majeur sur la diminution des émissions de gaz à effet de serre.

Un sujet qui pourrait faire l’objet d’une deuxième entrevue ?

Jean-Philippe – Certainement.

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